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PARTIE 01

> Qu’est-ce que la reproduction ?

Quand nous parlons de « faire des enfants », l’un des verbes appropriés est « procréer » et signifie « Produire, être à l’origine de » ou encore « donner la vie » (CNRTL). Mais ce verbe est supplanté dans le langage courant par la « reproduction » et l’acte de « se reproduire ».

Toujours selon le CNRTL, la définition du terme reproduction dans le domaine de la biologie est l’ « Action par laquelle les êtres vivants produisent des êtres semblables à eux-mêmes. » Cette définition soulève un aspect de copie de soi-même. Se reproduire serait-il le fait de créer une copie de nous-même ? La sociologue Irène Théry soulignait dans le film « La Sociologue et l’Ourson » (2016) que si l’humain se reproduisait c'était du fait d’une prise de conscience de sa mortalité et que, par la reproduction, il entretenait l’espoir de créer quelque chose qui lui survive et dépasse cette mortalité qu’est la sienne. En outre, ce serait une des manières de défier le temps qui nous est imparti en le prolongeant par un être de notre création, qui perdurera plus longtemps que nous dans le temps (sauf cas exceptionnels). Mais il reste néanmoins cette idée de copie, comme en art, où la reproduction d’une oeuvre est la copie d’un original.

Pour continuer cette comparaison, nous pouvons aussi employer le terme conception, aussi utilisé en design, ou en ingénierie. Ce terme rapproche l’acte d’enfantement d’un acte de création dont le·s parent·e·s sont les auteurs·trice·s. Et cela est vrai, le·s parent·e·s est·sont l’·es auteur·trice·s de leur·s enfant·s dans la mesure où iel·s accompagne·nt et guide·nt son développement par leur éducation. Par ailleurs et pour exemple, iel·s en détient·ne·nt notamment le droit à l’image quand l’école demande si l’enfant peut figurer sur les vidéos de voyages scolaires.

Cependant, si le fait d’enfanter peut se comparer à un acte de création artistique, le processus de reproduction en revanche est souvent affilié à un registre plus animalier.

> La vache ! Encore une injonction ?

Quand je disais à mes proches avoir choisi comme sujet de recherche l'insémination artisanale, certains me répondaient : « Attend…. le truc avec les vaches là ? » d’un air perplexe. Le terme « insémination » apparaissait, au premier abord, sous la forme d’un bras portant un long gant en plastique fin, utile effectivement à la fécondation desdites vaches, dans « une ferme avec du foin partout ». J’observe aussi que mes ami·e·s ne sont pas les seul·e·s à faire cette comparaison. On peut voir une illustration de Marion, en parcours PMA, qui illustre son ressenti lors de sa première insémination. La vache est toujours présente.
















Paul B. Preciado affirme dans son ouvrage « Testo Junkie » (2008) que « Les premières expériences d’inséminations artificielles sont réalisées sur des animaux ». Effectivement en 1768, soit 22 ans avant les travaux du biologiste John Hunter,  l’abbé scientifique Lazzaro Spallanzani s’interroge sur la reproduction des grenouilles. Au fil de ses expériences, il découvre que la semence mâle joue un rôle dans la fécondation, contrairement à son hypothèse de départ. Il récupère alors la semance d’une grenouille mâle pour la mettre en contact avec les ovules d’une grenouille femelle pour vérifier son observation. A lieu la première fécondation in vitro prouvant par la même occasion que les gamètes mâles et femelles doivent être en contact pour qu'ait lieu une fécondation. Il poursuit ainsi ses expériences, en effectuant des inséminations sur plusieurs espèces de mammifères, dont des chiens dans les années 1780.

Près d’un siècle plus tard, les travaux de Gustave Adolphe Thuret et Oscar Hertwig un siècle plus tard, éclaireront davantage le processus de fécondation avec l’observation d’espèces végétales et animales marines. Parallèlement Charles Darwin, dans son ouvrage « La Filiation de l’Homme » (1871), avance l’idée selon laquelle l’affection maternel, observée chez les guenons, qui « poussait les mères humaines et animales à nourrir, laver, consoler et défendre leurs petits » fait partie des « instincts sociaux les plus puissants » tant chez les animaux que chez les humains. Bien que remis en question par l’autrice Elisabeth Badinter en 1980 dans son livre « L’amour en plus », ou l'anthropologue Françoise Héritier qui déclare : « Le terme instinct, au sens strict, suppose que l’on soit conduit, malgré soi, à un certain type de comportements qui seraient liés à notre espèce. Cela est valable pour les animaux, mais ne l’est pas pour l’espèce humaine. Parce que l’homme est doté d’une conscience, d’un libre-arbitre, de sentiments… Il s’agit donc de volontés, et non d’instincts. Des volontés qui peuvent d’ailleurs être absentes. », le concept d’instinct maternel alimente encore aujourd’hui une injonction à la maternité.

Selon Fiona Schmidt, journaliste et autrice de « Lâchez-nous l’utérus », cette injonction à la maternité qu’elle nomme « charge maternelle » est « la somme des préjugés intégrés dès l’enfance qui présentent la maternité désirée, radieuse, est bienveillante comme la norme, une part non négociable de l’identité féminine, et le seul lifegoal qui vaille ». Effectivement, quand nous sommes éduqué·e·s en tant que femme, très rapidement nos parent·e·s et/ou leur entourage nous enseigne la maternité. Cela passe par les jouets commes des poupons, poussettes et autres accessoires, mais aussi par certaines réflexions comme la très connue « tu verras quand tu auras des enfants ». La maternité est ainsi présentée dans l’éducation comme une injonction, une évidence qui se produira quelque soit le chemin de vie que l’on emprunte.

Hormis l’éducation qui joue un rôle fondamental dans l’incorporation de normes sociales comme celle de la maternité, la charge maternelle est aussi très présentent dans la vie adulte. Que l’on veuille enfanter ou non, Fiona Schmidt explique : « C’est [enfin] la comparaison réflexe avec les autres femmes, qui nourrit l’insécurité et la culpabilité ». En outre : l’insécurité de ne pas être assez bien, de ne pas avoir le temps, les ressources et les compétences,  la culpabilité d’être « trop vieille », en retard sur ses copin·e·s, ou de ne pas être fertile. C’est une pression sociale qui s’installe progressivement au fur et à mesure que les années passe : « Tu songes à faire des enfants un jour ? », « Comment ça tu ne veux pas d’enfant ? Tout le monde en veut ! », « Tu verras quand ton horloge biologique va se déclencher », et la nullipare reste incomprise.

Être nullipare c’est le fait de ne pas désirer enfanter, peu importe le genre. Médicalement cela désigne les femmes n’ayant pas accouché. Mais, souvent on entendra dire qu’un·e nullipare est une personne qui n’aime pas les enfants, comme si la volonté d’en vouloir était proportionnellement égale à l'intérêt et l'appréciation portée. Il n’en est rien. Une nullipare est une personne ne voulant pas avoir d’enfant ou qui n’en a pas eu au cours de sa vie, et c’est tout. Aujourd’hui, ne pas procréer est davantage un choix qu’un manque d’opportunité. En discutant avec des amies, en couple ou célibataires, je me suis rendu compte que les raisons sont multiples et dépassent souvent la simple absence de désir d’enfant : la transmission de maladies génétiques, la surpopulation mondiale, les répercussions écologiques de l’activité humaine à l’ère de l'anthropocène, la déformation du corps durant la grossesse, la dépendance matérielle de l’être à naître, la gestion de celui-ci ou encore la perspective d’un changement radical du mode de vie.

Par ailleurs, les femmes nullipares sont souvent associées aux lesbiennes comme l’a observé Fiona Schmidt : « Encore une fois, on a moralisé un fait biologique : le fait que les homosexuel·le·s ne puissent pas avoir d’enfant “naturellement” serait la preuve non seulement qu’ils/elles sont intrinsèquement contre-nature mais aussi qu’ils/elles sont contre les enfants, soit qu’ils/elles ne les aimeraient pas, soit qu’ils/elles ne sauraient pas s’en occuper. » Outre l’homophobie de cet amalgame entre nullipare et lesbienne, les couples de femmes n’ont effectivement pas encore le droit, en France, de procréer via une assistance médicale. Mais, comme tout autre être humain, rien ne les empêche de vouloir des enfants et d’en faire, quelle que soit la méthode. L’autrice révèle ainsi que près de deux lesbiennes sur trois souhaitent avoir des enfants, s’incluant dans 52% des personnes LGBT interrogées au cours d’une des premières enquêtes menées sur le sujet en France.

Par ailleurs, la législation actuelle de la PMA entretient cette stérilisation des couples homosexuels en prenant à partie la biologie : deux gamètes femelles, au même titre que deux gamètes mâles, sans l’intervention d’un tiers ne peuvent donner lieu à une fécondation. Mais il y a alors une confusion entre parents biologiques et parents sociaux dans la mesure où il est considéré que les couples homosexuels n’ont pas non plus les « compétences nécessaires » pour être parent·e·s. De plus, nous sommes la plupart du temps confronté·e·s au fait que nos parents biologiques soient aussi nos parents sociaux, mais la répartition de ses rôles et différentes dès lors qu’il s’agit d’une PMA, d’une adoption ou encore d’une GPA.

Les parents sociaux sont celleux qui nous élèvent et nous accompagnent tout au long de notre parcours de vie. Les parents biologiques en revanche sont ceux avec qui nous partageons notre patrimoine génétique, celleux qui ont fourni les gamètes mâle et femelle permettant une fécondation donnant lieu au développement utérin d’un foetus, et plus tard dans la grossesse, d’un bébé. Par exemple, dans le cadre d’une adoption, une femme ayant accouché est la mère biologique de l’enfant en question, mais la·es personne·s qui adopte·nt cet enfant pour l’élever sont ses parents sociaux. Autre exemple bell hooks parle, dans sa théorie féministe « De La Marge Au Centre » (1984), de parentalité communautaire. Dans un raisonnement féministe intersectionnel, elle défend le fait qu’une femme noire et célibataire a tout intérêt à s’entourer pour élever son·ses enfants. D’une part pour le soutien et l’aide que peut lui apporter cet entourage, d’autre part et notamment pour participer à l’éducation de cet·s enfant·s, en lui offrant une pluralité de figures adultes auxquelles s’identifier. L'important et que l’enfant soit entouré de plus d’une seule personne, en sachant que le genre et l’orientation sexuelle de ces personnes n’a aucune incidence sur son développement. Comme le montre le résultat des études américaines menées par Bos (2004), MacCallum et Golombok (2004), sur les troubles du comportement chez les enfants issus de familles homoparentales féminines : « Les résultats sont très concordants : les enfants de mères lesbiennes ne montrent pas plus de troubles du développement, de difficultés relationnelles, ne se comportent différemment des garçons et des filles élevés par des parents hétérosexuels. » Être célibataire ou homosexuel ne constitue donc pas un frein tangible à l'accès à la parentalité comme il est prétendu avec la charge maternelle.

À cela nous pouvons ajouter les parents légaux qui sont les responsables au regard de la loi de·s l’·enfant·s. Par exemple, dans le cadre d’une coparentalité (famille qui inclut trois parents et plus), seuls deux des parents (un homme est une femme) sont reconnus comme responsables légaux, l’·es autre·s parent·s a·ont le statut de parent·s social·aux.


Enfin, « Pour être une bonne mère, c’est très simple » nous explique Fiona Schmidt, « il suffit de se fier à son instinct, et au 7 640 983 843 conseils et avis contradictoires délivrés quotidiennement par les personnes [...] qui savent mieux que vous. » La charge maternelle n’épargne pas non plus la figure de la « bonne mère ». Il est souvent question, avec ce terme, de celles que l’on voit dans les publicités à la télévision, alors qu’il est plus souvent le cas d’une culpabilité et d'une insécurité ressentie chez les mères.


En outre, il faut aussi envisager que le désir d’enfant ne soit pas véritablement le nôtre, mais plutôt le résultat et/ou la réponse à une injonction et une pression sociale constante de notre entourage notamment, comme le révèle le travail typographique de @gardetesconseils.

    Le travail de Fiona Schmidt sur la maternité, bien avant la publication de son livre, a aussi donné naissance au projet d’un compte instagram, sur lequel elle met en lumière des témoignages de femmes qui ont fait l’expérience de la charge maternelle quel que soit leur profil (mère, nullipare, lesbienne, etc). Profil Instagram qui a lui-même donner naissance à son ouvrage sur lequel je me suis appuyée.

> Projet d’enfant & Procréation autonome

Le choix de procréer ou non peut découler d’une envie profonde de parentalité indépendante d’une injonction, d’un réel espoir pour les générations futures, tout comme d’une volonté à ne pas participer à la surpopulation mondiale actuelle, entre autres raisons.

Aujourd’hui, de plus en plus d’hommes se préoccupent de la contraception, au sein de leur couple notamment. Progressivement nous assistons à une prise de conscience de leur part, la contraception n’est plus, ou moins, considérée comme étant « une affaire de femme ». En France, de plus en plus d’hommes entre 30 et 40 ans optent pour la vasectomie. Ce moyen de contraception, davantage populaire dans les pays anglo-saxons comme au Canada où elle est employée par plus de 20% des couples, consiste à sectionner les canaux déférents qui conduisent le sperme à sa sortie. Cette opération n’a aucune incidence sur la pratique sexuelle du patient. Depuis quelques années, cette intervention se popularise en Europe. Elle est souvent choisie pour son absence d’effets secondaires et de charge mentale qu’occasionne la contraception féminine : inflammation vaginale, nausée, prise de poids, acné, étourdissement, nervosité entre autres effets indésirables, changement de plaquette, durée effective d’un Dispositif Intra-Utérin (DIU ou stérilet hormonal ou non), prises de rendez-vous chez le gynécologue pour la pose, le contrôle, l’ajustement du traitement etc.

De plus un projet d’enfant ne se résume plus non plus, et ce depuis longtemps déjà, à essayer quelques fois pour réussir. Il y a un processus de questionnement et de recherche qui intervient dans cette prise de décision : quand ? Comment ? Avec qui ? Seul·e ? Où ? En ai-je les moyens financiers ? La disponibilité temporelle et émotionnelle ? Est-ce vraiment ce que je veux et non une pression familiale ou sociale à laquelle je cède ? Tout autant de questions qu’il est légitime de se poser avant de se lancer dans ce projet. Et les questions d’ordre pratique (où et comment notamment) sont d’autant plus présentes pour les personnes queers quand nous faisons l'état des lieux de ce qui est permis légalement ou non où nous nous situons.

Mais comme exposé dans l’introduction, les personnes à vagins n’ont pas attendu qu’une loi existe pour procréer entre elles ou seules, et les médecins non plus pour les y aider. Cette technique d’insémination est dite artisanale ou plus rarement sauvage pour son caractère non médico-légal. Le terme artificielle, bien qu’il serait tentant de l’employer pour les deux techniques d’insémination, détermine donc le caractère médico-légal de la technique en PMA. Cette dernière est procédée par un·e professionnel·le de santé dans un cadre dédié (cabinet de gynécologie, hôpital ou centre PMA).

L'artisanale en revanche s'affranchit de ces contraintes. Ce procédé est mis en oeuvre par les sujet·te·s eux-mêmes, souvent accompagné·e·s de leur conjoint·e lorsqu’ils·elles en ont un·e, dans un lieu privé non médicalisé (à la maison par exemple). Elle est pratiquée avec des moyens mis à disposition sans ordonnance d’un médecin, mais je reviendrai plus tard en détail sur le matériel employé.


    Outre le fait que l’insémination artisanale soit qualifiée ainsi en raison de sa non-médicalisation, pourquoi avoir choisi le terme « artisanale » et non « do it yourself », comme dans le domaine de l’autonomie gynécologique dont elle relève ?


    Pour mieux comprendre le mode de procréation dit “artisanale”, voyons d’abord qu'est-ce qu'un mode de production artisanal.

Le Do It Yourself (DIY, ou « fais-le toi-même » en français - ma traduction) est une activité individuelle de production de biens matériels de la vie quotidienne. Cette production est opérée avec des moyens à disposition de tou·te·s en magasin ou déjà chez soi, comme par exemple dans les loisirs créatifs ou le bricolage.

    L’artisanat est un mode de production de biens matériels à petite échelle, faisant appel à un savoir-faire (ferronnerie, maroquinerie, bijouterie, etc.). Il implique que sa production ne soit pas homogène : les ateliers ne sont pas ou peu mécanisés. Dans le cas où il y a une mécanisation du poste de travail, la machine est placée comme outil de travail, i.e c’est toujours la main humaine qui intervient sur la fabrication de l’objet, et qui apporte cette non-homogénéité de la production. Si les biens sont produits en plusieurs exemplaires, nous pourrions employer le terme « série », pour la multiplicité de la production, mais leur non-homogénéité fait de ceux-ci des exemplaires uniques, et non plus une série.

En opposition, l’industrie est un mode de production de biens matériels homogènes à grande échelle, c’est une production sérielle, i.e en série. Les usines sont mécanisées et la main humaine n’intervient pas ou peu dans le processus de fabrication.

Si l’artisanat est traditionnellement placé en opposition à l’industrie c’est en raison  de l’ancienneté de ces notions. Bien que le système de « débrouille » se répande largement en Angleterre après la Seconde Guerre mondiale, et avec le système des tickets de rationnement qui perdure et invite les populations à fabriquer par elle-même, l’acronyme DIY apparaît dans les années 1970 avec l’ouvrage “Do it. Scenarios of the revolution” de Jerry Rubin, cofondateur du mouvement militant yippie. Son apparition amène une nouvelle hiérarchisation des modes de production selon les moyens qu’ils déploient au service de la production de biens.


    L’artisanat se positionne donc aujourd’hui à mi-chemin entre les modes de production DIY et industriel. Il emprunte des caractéristiques aux deux domaines (fabrication d’exemplaires uniques & transformation de matières premières), établissant ainsi comme une passerelle entre l’un et l’autre.

Pour savoir ce qu’est une PMA, et comment elle se déroule, je vous renvoie à l’introduction.

La gynécologie DIY, c’est le fait d’opérer soi-même ses propres examens gynécologiques et parfois les traitements et les interventions qui y sont liés. Elle peut aussi être appelée « alter-gynécologie » car elle est une alternative aux discours dominants dans ce domaine. Pour l’illustrer, je prendrai l’exemple de deux contraceptions dites naturelles : le contrôle de la température basale et de la qualité de la glaire cervicale.


Disclaimer : Je n’incite et n’encourage personne à utiliser les moyens de contraception que je vais exposer. L’efficacité de ces méthodes n’est pas infaillible (comme toutes méthodes de contraception) et est très largement contestée. Le choix de sa contraception doit rester personnel et non décidé sous l’influence d’un tiers, ce choix est le vôtre uniquement.


La température basale est celle du corps humain au réveil après une nuit de sommeil, avant de s’être levé·e du lit. Cette température change selon les étapes du cycle menstruel (menstruation, ovulation, période pré-ovulatoire et autres). Cette technique est employée de manière individuelle avec un thermomètre. De la même manière, le contrôle de la glaire cervicale s’effectue individuellement par un touché vaginal et ensuite l’évaluation de la viscosité de celle-ci. Ces deux techniques peuvent être utilisées de manière combinée ou indépendante, et peuvent être accompagnées d’un carnet de notes, ou d’une application mobile dédiée, qui retrace l’évolution des relevés.

L’évolution de ses relevés quotidiens mettent en évidences la période d’ovulation du cycle. Dans une optique contraceptive, les rapports sexuels qui peuvent aboutir à une fécondation sont proscrits durant la période d’ovulation relevée. À l’inverse, sous l’angle de la procréation, lors de la période d’ovulation détecté il est fortement conseillé d’avoir un rapport sexuel ou de procéder à une insémination, qu’elle soit artisanale ou artificielle, pour augmenter ses chances de fécondation.

Ces protocoles sont donc des procédés de la gynécologie DIY : l’emploi de moyen à disposition de tou·te·s et pratique individuelle, sans l’intervention d’un professionnel de santé ou d’un dispositif médical.


L’insémination artisanale, dans son procédé, se trouve donc elle aussi a mi-chemin entre la gynécologie DIY et le parcours médical de la PMA. Elle emprunte ainsi la technique d’intervention médicale de l’insémination artificielle en PMA, et les moyens mis à disposition de tou·te·s comme les techniques de contraception dites naturelles de la gynécologie DIY. Ces facteurs font d’elle une pratique artisanale.

La gynécologie DIY relève néanmoins de ce que l’on nomme l’autonomie gynécologique parce que le DIY est un moyen d’empowerment. « Plus fondamentalement, faire soi-même est une manière de s’affirmer individuellement et de s’affranchir des intermédiaires sociaux, religieux, culturels, professionnels ressentis à juste titres comme des pesanteurs. Faire soi-même permet de construire sa propre culture et non consommer ce que l’on a conçu à votre place (Duncombe). » (Bricolage Radical - Génie et Banalite des Fanzines Do-It-Yourself, n°1 2016). Effectivement, quand je parle de la gynécologie DIY, je parle de l’emploi les « moyens du bords » pour procéder aux examens, traitements et interventions.

Le terme « autonomie » de l’autonomie gynécologique ajoute à la gynécologie DIY la notion d’empowerment : si ces actes sont prodigués de manière DIY, c’est pour reprendre individuellement et avec ses propres moyens le contrôle de sa santé, ici à l’endroit de la gynécologie. Le·a sujet·te est décisionnaire des protocoles opérés et de leur but.


> Design et autonomie gynécologique

Pour revenir au design dans le domaine de l’autonomie gynécologique, le collectif catalan Gynepunk, créé en 2013 à Calafou non loin de Barcelone en Espagne, travaille activement à l'appropriation de la science par les patients. Les membres du collectif sont souvent présentées comme les « sorcières cyborg de la gynécologie diy » (Ewen Chardronnet, « GynePunk, les sorcières cyborg de la gynécologie DiY », 2015, makery).  Avant de trouver leur nom, ce collectif travaillait sur l'analyse des fluides quels qu’ils soient avant de s'intéresser plus précisément aux fluides corporels. Avec cet intérêt sont nés des ateliers « dildomancie » voués à créer de nouveau lubrifiants et avec l’envie de traiter certaines maladies vaginales par les plantes (d’où le terme « sorcière »). C’est Klau Kinsky (une des 3 fondatrices du collectif) et sa documentation du travail du collectif qui a amené le concept « gynepunk ».

Leur travail se centre peu à peu sur les besoins d’urgence en gynécologie. Dans leur cheminement, elles vont suivre un atelier à Barcelone où elles conçoivent une mallette « biolab » d’analyse de fluides corporels tels que le sang, l’urine et les fluides vaginaux. Ce dispositif se compose d’une centrifugeuse, d’un microscope et d’un incubateur. La centrifugeuse permet d’abord de dissocier les fluides pour ensuite les observer au microscope et identifier une infection ou une maladie. Enfin, l’incubateur permet de faire développer les bactéries dans une boîte de Petri pour révéler et avérer leur présence (Ewen Chardronnet, « GynePunk, les sorcières cyborg de la gynécologie DiY », 2015, makery). Le public cible de Gynepunk se situe dans un contexte d’urgence et de précarité. Elles développent ces outils pour les migrantes, les réfugiées et les travailleuses du sexe et autres femmes en situation de précarité.

    Cette gynécologie alter-médicamenteuse (usage de plantes médicinales) est arrivée en France en 2014 avec Poussy Draama et son personnage DocteurE Caroline Duchesne. Militante activiste, sexologue, sorcière, performeuse et alter-gynécologue, elle a entamé des déplacements dans toute la France avec son camion de pompiers réaménagé : le TransUterus Cruising Agency. Véritable cabinet de gynécologie DIY itinérant, elle y procède à des consultations individuelles, des stages, des workshops ou encore des conférences.  « Mon boulot, c'est de transmettre mon savoir à un maximum de personnes, pour se réapproprier ces connaissances » (propos recueillis par Anna Lecerf dans « Avec les françaises de la gynécologie DIY », vice, 2016).

    Elle incite elle-même son public à venir la voir pour poser des questions sur la sexualité féminine, trans et queer. Son but est d’informer pour empouvoirer. Elle veut ainsi donner les connaissances nécessaires à la réappropriation de sa santé sexuelle et génitale tout en levant le tabou et en libérant la parole sur ces sujets, en discutant avec des femmes, des hommes ou autres personnes queers et non-binaires.

    Elle n’est pas une gynécologue diplômée, elle pratique une « activité périphérique », une alternative à la médecine : « je me considère comme une alter-narratrice, quelqu’un qui travaille sur des narrations alternatives aux narrations dominantes. » En ce sens, elle pratique une altergynécologie, à la marge des discours de la médecine occidentale à visé curative, en s’inspirant notamment des procédés de la médecine ayurvédique qui est une médecine préventive : « Mon travail ne consiste pas à faire des diagnostics (je ne suis pas médecin), mais à faire tout ce qu’il y a autour, ce que les médecins ne font pas pour la plupart, c’est-à-dire : information, explication. »

    Bien que l'insémination artisanale ait sa place dans le domaine de l’autonomie gynécologique, elle est souvent choisie à défaut de pouvoir accéder à un parcours PMA notamment, mais aussi en cas d’échec de ce dernier comme me le confiait Lisa : « Dans mon cas, ce "choix" d'avoir recours à des inséminations artisanales fut plus une décision qu'un choix comme les couples homos d'ailleurs. »

Partie 01: Ce que je fais
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